samedi 20 juillet 2013

La traversée I

Nous avons un plus long voyage cette fois-ci et il me faut tromper mon ennui. J'apprends du reste peu à peu, à voir la lourdeur es regards sur moi, que mon silence est assez mal vu. Faut-il que je m'use à parler, au lieu de payer et de mettre simplement les pieds sous la table?

A quoi puis-je occuper mon temps. J'attends à la poupe, écoutant un silence assez bruyant, de voir se profiler une terre -en effet une terre, je vous dis que je fais ce que je veux.
Quand il y a une place du moins, car c'est un domaine convoité. Entre deux tâches, des marins bourrus (l'équipage en compte une petite dizaine) viennent rêver et protègent du mieux qu'ils peuvent leurs cigarillos contre les embruns.
Cigarillos, qu'est-ce? Je viens de l'apprendre de la bouche des marins, c'est une herbe magique qui rend aimable et intelligent (sujet sur lequel je devrais m'attarder mais j'ai trop à faire).

Comme le temps passait et qu'en retour, il ne se passait rien, c'est entre ces volutes de fumée humide que, par désœuvrement, je liai connaissance.
Azine, premier lieutenant (marine marchande).
Des officiers, il y en a exactement deux qui se succèdent: le capitaine, Hercyn Dukaro, et le premier lieutenant, Mohammad Alish Gadar Azine. Le premier est un imposant barbu du Nord emmitouflé dans une image très typée; le second, un immigré des Cocardes contemplatif et érudit (encore qu'efficace dans les tâches qui lui incombent, à savoir pas grand-chose).

Ce dernier est remarquablement plus disponible et volubile que son chef. Ainsi, parlant toujours des mêmes banalités toujours avec les mêmes collègues, il fut par trop heureux de voir un nouveau et engagea la conversation avec un sourire en coin.

"Qu'est-ce qui amène Son Excellence si loin de la cour?
Puis, après un silence:
-Ne niez pas. On vous a trop vu et trop montré, et, du reste, vous êtes sur les billets, là, à la droite de votre pauvre père.
Un nouveau silence, durant lequel je tentai de comprendre.
-Je n'ai pourtant pas failli... Je ne me suis pas vêtu de ces oripeaux pour rien. Avouez que je suis discret, ou du moins je le semble. Et puis, ne divulguez pas. Cela gâcherait mon voyage.
-Comme vous voudrez. Ce sera inutile de toutes façons, je crois que tout le monde le sait déjà.
-Nous verrons bien.
-Cigare?
-Merci, non. Je verrai plus tard, je pense."

Longs voyages. Nous sommes encore loin d'Affimane; aussi nous pourrions être amenés à nous reparler nombre de fois, et encore à chaque traversée.

Lourdement vôtre,
Xavier Plorc

5 commentaires:

  1. Rhalalala, comment notre cher Xavier peut-il refuser un cigare ! Je suis sûr que dans son silence, notre voyageur se posait multitudes de questions existentielles. Ou alors je m'imagine et m'attends trop de ce personnage... Enfin bref, j'attends la suite de son périple...

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  2. Attendre la terre en bateau, c'est naturel, pour les marins comme pour les autres, mais la proue ne serait-elle pas mieux adaptée?

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    1. Précisément. C'est pour ça que Xavier est stupide. Quant aux marins, c'est une habitude: il y a un peu moins d'embruns à l'arrière, c'est plus pratique pour fumer le cigare.

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  3. Tiens, il y a un article qui a mystérieusement disparu ?

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    1. Je l'ai publié en oubliant qu'il lui manquait une illustration... Le tir sera rectifié dans les secondes qui suivent.

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Des précisions à demander? Une idée tordue à descendre?
On n'hésite pas. Xavier est faible mais je le seconde.